La Bourse de commerce, nouvel écrin de la collection Pinault
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Mise à jour le 04/10/2021
Sommaire
L'ouverture de la Bourse de commerce – Collection Pinault est l'événement incontournable de cette réouverture des musées, après avoir été différée d'un an. François Pinault expose dans ce cadre exceptionnel, entièrement rénové pour l'occasion, une partie des richesses de sa collection d'œuvres d'art contemporain. Nous avons pu la visiter en avant-première.
Le suspense agitait fébrilement le monde des arts depuis de longs mois : après plusieurs reports, puis une pandémie mondiale, la Bourse de commerce – Collection Pinault ouvre enfin ses portes au public le 22 mai 2021. Situé tout contre le forum des Halles, et transfiguré par un ambitieux chantier de rénovation, le majestueux bâtiment est désormais accessible, notamment par la ligne 1 du métro, à quelques stations de… la Fondation Vuitton.
Grand amateur d’art, François Pinault a acquis au fil des ans plus de 10 000 œuvres, construisant une collection parmi les plus cotées au monde. Peintures, sculptures, vidéos, photographies, œuvres sonores, installations… Les artistes dont François Pinault collectionne les œuvres sont issus de tous les pays et représentent toutes les générations, avec une prédilection pour les courant émergents. Cet ensemble, dédié à l’art des années 1960 à nos jours, offre un regard subjectif qui tente de contribuer à saisir l'époque. Valorisée jusqu’alors au sein du prestigieux Palazzo Grassi de Venise, celle-ci prend ses quartiers dans un bâtiment hors normes, qui fut successivement une halle aux blés de 1763 à 1873, puis une bourse de commerce de 1889 à la fin du XXe siècle.
Ouverture
C'est le terme polysémique choisi par François Pinault pour symboliser cette date du 22 mai : ouverture physique au public bien sûr, ouverture à la richesse et à la diversité de l'art, et ouverture également comme l'introduction d'un opéra, préfigurant les thèmes qui y seront embrassés. Mais c'est aussi le bâtiment lui-même qui, lorsqu'on y pénètre, peut être ressenti tel un immense espace ouvert. Difficile de restituer par des mots, même superlatifs, la sensation éprouvée quand on entre dans la lumière de la majestueuse coupole : entre le volume démesuré de l'espace central et la lumière pénétrant par la somptueuse verrière, un authentique sentiment de plénitude et d'apaisement nous envahit. Le vide est immense, certes, mais il est immensément riche de sensations et d'émerveillement.
Dans cet espace trônent des sculptures d'Urs Fischer, avec en vedette au centre une réplique grandeur nature d’un célèbre groupe sculpté de la période maniériste, "L’Enlèvement des Sabines" (1579-1582) de Giambologna. Sept chaises diverses (d’un tabouret africain à la banale chaise plastique en passant par le fauteuil d’avion), que contemple l’effigie de l’artiste Rudolf Stingel (ami et pair d’Urs Fischer), sont par ailleurs disséminées ici et là. Ce sont en fait toutes des sculptures de cire, réalisées de manière ultra réaliste, chacune représentant une sorte d'énorme bougie, allumée au début d'une saison d'exposition, et se consumant jusqu'à son terme, symbolisant la fin d'un cycle. Des œuvres éphémères donc, que l'on pourra revenir admirer au fil de leur consumation.
Sur la paroi de la coupole se déroule une gigantesque frise (près de 140 mètres de long) réalisée lors de la transformation de la halle aux blés en bourse de commerce, et restaurée à l'occasion de l'ouverture de la collection Pinault. Les scènes de commerce et d'échange qu'elle représente à travers quatre continents étaient censées figurer une certaine vision du commerce à l'échelle du monde, marquée par des stéréotypes propres à l'époque. Si spectaculaire soit-elle, la frise voit opposer à son passéisme, dans une salle attenante, le travail engagé de David Hammons, figure éminente du Black Arts Movement. Elle se confronte surtout à la contemporanéité du cylindre qui ceint l'espace central, aménagement phare de la rénovation du bâtiment.
Architecture
C'est à l'immense architecte japonais Tadao Ando, génie du minimalisme, lauréat du prix Pritzker (le "prix Nobel" d’architecture), qu'a été confiée la mission de concevoir la conversion du monument historique en musée d’art contemporain. Idée force de l’entreprise : un dialogue "serein" entre le projet architectural et le patrimoine. C'est donc un immense cylindre de béton (le matériau "fétiche" d'Ando) qui s’imbrique désormais dans le cœur du bâtiment. Cette forme circulaire qui fait écho à la monumentale coupole, et entend soustraire visiteurs et visiteuses à leurs repères, pour leur faire vivre une expérience de visite faite de promenades libres et infinies. Le cylindre réussit ainsi l'exploit d'à la fois circonscrire et d'ouvrir l'espace, sans que le rédacteur de ces lignes sachent vraiment comme il y parvient.
La transformation a aussi été pensée pour offrir au public le plus d’espace possible. Ce sont ainsi 6 800 m2 d’expositions qui sont accessibles, dans des volumes allant de l’intime au monumental. A l'avenir, l'idée est d'y présenter la collection à travers un programme dynamique et des accrochages temporaires régulièrement renouvelés : expos thématiques à partir des œuvres du fonds, expos consacrées à des artistes collectionnés par Pinault, mais aussi cartes blanches, projets spécifiques et commandes. Ouverte à tous les publics et à toutes les disciplines, elle proposera également des programmes pédagogiques, des conférences et des rencontres, des projections, des concerts et des performances.
Des plus minuscules aux plus colossales, la Bourse de commerce présente donc pour son ouverture une sélection d'œuvres tirée de la pléthorique collection de l'industriel. Au fil des salles d'exposition enchâssées qui s'enroulent sur quatre niveaux (le dernier, au sommet, sera réservé à un luxueux restaurant avec vue sur les Halles), on est frappé par l'espace et la liberté de déambulation permis par la circularité et la lisibilité de l'architecture intérieure. Luminosité des pièces, clarté de la mise en espace, omniprésence d'un blanc immaculé… La scénographie est d'une propreté quasi maniaque.
Parcours
Difficile pour nous de nous prononcer sur la "valeur" des oeuvres exposées, le terme de valeur étant lui-même très relatif en matière d'art. Les artistes choisi·e·s pour cette ouverture sont tous "soutenu·e·s" par François Pinault (leurs créations ont été acquises, parfois même commandées), dont il dit avoir choisi seul les œuvres présentées. Des artistes installé·e·s ou en devenir, qui sont autant de paris (artistiques et financiers) qu'il fait sur l'avenir. Les artistes eux-mêmes aiment à présenter leurs œuvres comme des "propositions", conçues en dehors de tout jugement de beauté et d'esthétique. Disons que les propositions sont nombreuses, variées en terme de contenus, de significations comme de supports et de formes.
Accordons en tout cas à Pinault la justesse de ses choix pour ces expositions d'ouverture. Les salles regroupent les artistes par ensembles cohérents, par supports ou par courants. Mais surtout s'affirme par ces choix le goût chez l'industriel d'investir sur un artiste, sur la durée comme en nombre d'œuvres, en constituant de grands corpus de ceux qu'il aime. Un goût prononcé aussi pour les œuvres sérielles, qui se déploient parfois, comme dans la très réussie galerie photos (avec des séries de Michel Journiac ou de Cindy Sherman), en dizaines de pièces déclinant un même motif, qui trouve dans sa répétition tout son sens, toute sa puissance d'évocation. Peintures, photos, sculptures, installations… L'art contemporain se déploie sur tous les supports, et s'épanouit grâce aux volumes offerts par les salles, que certain·e·s pourront juger sous-exploités.
L'on pourra juste déplorer au fil du parcours l'absence de cartels de description des œuvres, qui laisse légèrement en manque de sens. Une absence toutefois en partie palliée par la présence de médiateur·trice·s dans chaque salle, formé·e·s pour répondre à toutes vos questions (quand c'est possible bien sûr, les artistes n'étant pas toujours lisibles dans leurs intentions, et c'est tant mieux). Des surveillant·e·s de salle et des médiateur·trice·s qui n'ont malheureusement rien pour s'asseoir… En effet, les chaises présentes dans chaque salle sont en réalité des… sculptures de Tatiana Trouvé.
Si on laisse aux visiteurs et visiteuses le soin d'aller se faire leur avis sur les œuvres exposées, l'on ressort de la Bourse de commerce avec le sentiment d'avoir visité un bâtiment exceptionnel, ayant fait l'objet d'une impressionnante rénovation. Un lieu d'une beauté de tous les instants, où chaque pas ou presque est "instagramable" : où que l'on s'y trouve, et quel que soit sa qualité de photographe, il est impossible de faire une mauvaise photo. Grandiose et triomphant, ce vaisseau amiral de la collection de François Pinault permet à l'industriel d'imprimer sa marque sur Paris, comme l'avait fait son "ami" Bernard Arnault avec la Fondation Vuitton. Mais pour ce qui est de les départager, nous vous laissons juge !
Bourse de Commerce – Pinault Collection
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